7 Magazine Réunion, L’actualité people et lifestyle à l’île de la Réunion
7 Magazine Réun
Actualité

Nassimah Dindar, 10 ans à la tête du Conseil Général


En 2004, Nassimah Dindar accédait à la tête du Conseil Général de La Réunion, fauteuil très convoité, qu’elle n’a pas quitté depuis. Madame La Présidente peut s’enorgueillir de très belles réussites, et notamment dans la lutte contre les violences faites aux femmes, l’une de ses grandes priorités. La prise en charge des personnes âgées est aussi au cœur de sa mandature, un impératif pour elle, moral très certainement. Les réalisations politiques à son actif sont nombreuses, toutes impulsées par sa volonté et son énergie redoutable…
Responsable, elle assume aussi ses échecs, et se livre sans tabous,
à bâtons rompus, sur son engagement politique, sa philosophie,
et livre la femme, le charme et le sourire en prime!


- Publié le Mardi 8 Juillet 2014 à 15:43

"L’organisation sociétale se fait encore de façon trop sexuée".

«Je ne voudrais pas garder ce rythme-là toute ma vie»
La journée-type de la présidente n’existe pas, si ce n’est qu’elle n’est pas matinale: «Je ne commence pas avant 9h, mais ensuite je peux enchaîner jusqu’à 23h… Je m’accorde parfois une petite douche à 18h, et c’est reparti, du lundi au dimanche parfois, non stop. En 10 ans, je ne me suis jamais absentée plus de 10 jours en vacances. Je ne voudrais toutefois pas garder ce rythme-là toute ma vie.».

«L’autorité dans ma famille n’était pas un vain mot»
Très engagée dans le milieu associatif, dans la lutte contre les violences faites aux femmes, Nassimah Dindar avoue de prime abord qu’elle ne se destinait pas à la vie politique… «Des opportunités ont fait que je me suis engagée en politique, c’est Margie Sudre qui est venue me voir et m’a proposé de m’engager sur une liste… Je me destinais à travailler, à être libre, à m’exprimer et à dire les choses».
Elle avoue sans ambages «qu’élevée dans une famille nombreuse musulmane traditionnelle, les femmes n’avaient pas la parole. L’autorité dans ma famille n’était pas un vain mot. Les rôles étaient très sexués. Secrètement, j’aspirais à avoir cette parole, cette expression, c’est très certainement pourquoi je suis une grande bavarde aujourd’hui. J’ai toujours aspiré à avoir un métier, à être moi-même. Les filles vivent souvent la frustration de l’ordre naturel, je le dénonce! L’organisation sociétale se fait encore de façon trop sexuée»... Petit tacle aux hommes politiques en passant: «Les machos existent dans toutes les sphères de la vie. Les femmes, quand elles sont élues, bossent et leurs hormones restent à niveau…».
Sur son parcours, Nassimah Dindar n’oublie pas son passé sur les bancs de l’école républicaine, puis en tant qu’enseignante: «C’est un beau métier… Je suis un pur produit de l’école républicaine… Dans les années 70-80, l’école était un bastion d’ouverture, de sécurisation, d’apprentissage et d’échange du savoir. Aujourd’hui, tous ces lieux là sont désacralisés…»


«Ma fierté? Me battre contre les autorités bien pensantes!»
Quant à évoquer l’un des plus beaux souvenirs de sa mandature, sans hésiter, elle répond: «Ma fierté, ce sont de petites réalisations, se battre contre les autorités bien pensantes. Je pense à l’ouverture du Jardin de l’Etat aux familles. L’architecte des Bâtiments de France brandissait interdictions et refus. J’ai obligé mes services à valider mon projet. J’ai refusé d’inaugurer le Jardin tel qu’il avait été conçu, une allée pavée, plus un arbre, c’était un non sens. Je voulais une autre dimension et j’ai réussi. Les gens se sont appropriés cet espace». Ce que femme veut!

«Une vraie politique serait faite pour rendre les gens plus heureux»
Quand on lui demande de parler d’une autre de ses réalisations, Nassimah Dindar s’enflamme: «Le chèque santé est une belle réussite… La loi fait voter des dispositifs pour aider les gens, mais sans les rendre plus heureux. Ces fameuses lois isolent les personnes âgées. On a cassé la dynamique de solidarité de la famille… Les personnes âgées ne peuvent plus vieillir chez elles. Au final, on meurt à l’hôpital!
La politique du logement est tout aussi mal pensée. Un autre non sens est la construction de T1 et de T2 alors que dans notre île, il faut des T4... A La Réunion il y a des familles nombreuses, le lien intergénérationnel existe. Il faut savoir d’où l’on est, où l’on vit. Une vraie politique serait faite pour rendre les gens plus heureux, en apportant un regard humain sur les politiques sociales, la valeur de l’amour qui n’est pas un vain mot en politique!».
Plus globalement, c’est sa vision de la politique qui émerge «Le plus grand mal de la représentation politique, ce sont les partis, le réseautage qui empêche une vraie représentation démocratique. Je serais pour un vraie proportionnelle. En période de crise, le réflexe de repli est naturel. Je suis persuadée que la société attend une expression forte de ses représentants à tous les niveaux, que ce soit politique, civique, religieux... La jeunesse attend plus d’autorité qu’on ne le pense. Je suis très optimiste sur la génération qui vient. Les jeunes investissent dans le monde, mais de façon différente».

«Ma principale qualité est ma force de travail»
A l’heure du bilan de ses 10 années, c’est un grand sourire qu’offre Nassimah Dindar en guise de réponse: «J’ai l’impression que cela fait à peine quelques années. Quand on est dans l’action, quand on aime ce que l’on fait. J’ai 1 000 idées dans la tête. Ma principale qualité est ma force de travail. Je peux être super fatiguée et repartir ensuite. J’ai une vraie énergie.
Je rends visite  à ma maman qui a 84 ans toutes les semaines, c’est un rite… Ca fait partie de mon équilibre, au même titre que mes enfants et mes petits-enfants, ou que de manger un bon carry poulet péi… J’aime les bonheurs simples, la marche par exemple… Tout cela, c’est ce que j’aime dans La Réunion, et que je crains de perdre. C’est tout ce que je porte dans la vie publique… La Réunion a une richesse extraordinaire. Le Réunionnais li adapte a li à toute kultur. Un zoreil qui repart après 10 ans reste Réunionais. Cette île est bénie, c’est un cadeau du ciel…».

«Mon autre shaman, c’est ma maman»
Et quid d’un mauvais souvenir? «L’épisode de l’ARAST a été très difficile, tout comme l’éviction de mon propre camp en 2008 lors de la fameuse soirée de l’Etang Salé, ou quand mon fils a eu des ennuis. Je ne baisse pas les bras, je ne fuis pas mes responsabilités. Mes moments de découragement ne durent jamais longtemps, la vie politique est un milieu violent! Il faut être solide et avoir une grande estime de soi.
Je ne confonds jamais présidence du Conseil Général et Nassimah. Je prends la leçon de mes défaites, mais je ne perds pas. J’ai eu une chance, avant d’être élue, j’étais prof et j’ai fait beaucoup de développement personnel. J’ai rencontré des gens formidables comme Jacques Salomé. Ca aide, tout comme mon yoga… J’apprendrai sur moi-même jusqu’à la fin de mes jours…          Mon autre shaman, c’est ma maman. Elle a la sagesse, l’expérience comme beaucoup de mamans de La Réunion, et un bon sens humain au sens universel».

«Je vous jure que je n’ai pas d’ennemis en politique»
Quant à ses combats politiques Nassimah Dindar joue l’apaisement: «Je n’oublie pas, mais je vous jure que je n’ai pas d’ennemis en politique, pas de ressentiment. Il faut pouvoir recomposer avec qui que ce soit. Je suis comme ça, c’est ce qui me donne la force. Le monde a besoin d’amour, pas de haine. La société a construit l’individualisme, le politique doit rendre du collectif.
Nous sommes à une croisée de chemins avec la richesse de notre mer au cœur de l’Océan Indien, notre âme créole, notre identité  qui peut attirer un tourisme authentique, et notre population multiculturelle… Avec ses atouts considérables, je serai candidate sur mon canton, je ferai tout pour le gagner, il faut faire ce pas là qui fera le chemin. Et s’il y a une assemblée unique, il y aura de vrais enjeux, de vrais défis». A bon entendeur…

Photos Lionel Ghighi