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Pascal Montrouge, directeur général des Théâtres départementaux


«La transmission au cœur de mon projet»
Depuis maintenant 4 ans, Pascal Montrouge préside la destinée des Théâtres Départementaux de la Réunion, le Teat Champ Fleuri et le Teat Plein Air, une équipe de plus de 40 personnes au total. Né en 1966, ce dionysien de naissance est avant tout un passionné de danse, il fut lui–même un brillant danseur, au sein de la compagnie Peter Goss et de Redha à Paris, avant de devenir chorégraphe. En 1993, c’est la consécration, il reçoit le premier prix du concours international d'interprète chorégraphique de Nagoya au Japon, ainsi que le prix Vaslav Nijinski de la République de Pologne. C’est en 2009, que le chorégraphe est nommé, après de houleux débats, à la direction des Théâtres départementaux de La Réunion, et pour six ans, sa copie ayant été retenue pour son exigence, son ouverture artistique et sa rigueur administrative. L'axe central de son projet est d'élargir le champ des publics concernés en plaçant l'activité artistique au cœur d'une nouvelle relation aux publics, de valoriser la culture et la création réunionnaise en l'ouvrant au monde... Madame Aude ne pouvait qu’être interpellée, voire emballée, par ce Chevalier des Arts et des Lettres, elle prévient «c’est mon gaté chéri!»...


- Publié le Mardi 16 Juillet 2013 à 11:34

Pascal Montrouge, directeur général des Théâtres départementaux
Leur rencontre

Madame Aude l’affirme elle a toujours entendu parler de Pascal, par le biais de la mère de ce dernier, et ainsi a toujours suivi l’incroyable parcours du réunionnais danseur puis chorégraphe. Ensuite la rencontre s’est faite lorsque  la tumultueuse  nomination du directeur des Théâtres départementaux, par le biais de la presse tout d’abord (ndlr: la succession de Jacques Dambreville en 2009 fut compliquée et sujet à polémiques...).
Madame Aude: Avant les théâtres de La Réunion étaient moribonds. Je ne me rappelle pas avoir voulu assister à un spectacle. La nouveauté avec Pascal, c’est que la culture ne se résume pas qu’à du local... On peut maintenant voir de tout à 10 000 kms de La Métropole, c’est important car nombre de Réunionnais ne peuvent se permettre de voyager. Je suis convaincue qu’il faut passer par les collèges et les lycées pour donner envie aux gens. Les jeunes peuvent amener leurs parents à voir des choses. En tant qu’ex enseignante, je pense que la culture passe par les enfants.
 
Pascal Montrouge: Je la connais comme toute La Réunion... J’ai toujours eu beaucoup de respect pour elle, car je me reconnais dans son combat pour plus de justice, toujours très pacifique. Elle m’a connu de façon détournée via mes parents qui sont très impliqués dans le monde associatif. Ensuite, c’était un soir, lors d’un cocktail à la Préfecture, Aude est venue me voir et m’a dit «je suis très fière que tu  aies été choisi, et si ça n’avait pas été toi j’aurais fait un scandale». Depuis elle est très attentive à tout ce que je fais mais aussi critique. Je l’écoute beaucoup, dans les critiques positives mais aussi négatives. 

Pascal Montrouge, directeur général des Théâtres départementaux
Comment fais tu pour offrir une telle diversité de spectacles?
Dans notre programmation, la partie spectacle vivant représente 80%, en 2012 ce sont plus de 245 représentations et 114 000 spectateurs.  Pour attirer des gens comme la compagnie Akram Kahn qui s’est produit à Londres ou à Paris au prestigieux Théâtre des Champs Elysées, l’argent ne suffit pas. Il faut qu’ils trouvent un intérêt intellectuel, culturel à venir. Tout mon travail se résume à cette équation: offrir à un public gourmand ce qu’ils attendent. Nous jouons quasi à guichet fermé sur tous les spectacles. Je m’insurge lorsque l’on dit que le public est élitiste, ce n’est pas vrai! Il n’y a aucun problème de sociologie, le public est très mélangé, d’ailleurs je m’amuse en regardant la salle. Il est aussi important de montrer des films, des opéras et des ballets... Le public vient peu à peu à ces spectacles extraordinaires.
 
Comment fais tu pour offrir ce prix et cette qualité?
Nous proposons trois programmes dans la plaquette, c’est une mission de service public et de faire que les spectacles soient accessibles à tous... On se débrouille, c’est tout un travail de gestion.
Madame Aude Ils font un véritable travail de romains, ils partent partout convaincre les artistes de venir, sélectionner les meilleurs spectacles...
Je le redis, c’est un vrai travail de gestion. Cela fait 30 ans que je tisse de liens  dans ce milieu, j’ai tout un réseau. Il en est de même pour Bernard Faye, mon directeur adjoint. Il s’agit ensuite de les persuader de venir
Madame Aude J’ai vraiment l’impression que les gens ne se doutent pas du travail que vous faites en amont, de la force de persuasion que vous déployez, des choix que vous faites et des risques que vous prenez...
C’est un véritable travail d’équipe!
Madame Aude Il ne tire jamais la couverture à lui, il faut aussi le souligner!

Pascal Montrouge, directeur général des Théâtres départementaux
N’as tu jamais heurté la sensibilité des Réunionnais par un de spectacle?
Je ne crois pas, et pourtant je ne suis pas dans le divertissement. Je pars du principe que ce qui peut me toucher  peut toucher les gens. En faisant appel à l’émotion des gens il est possible de toucher un très large public. Je remercierai à vie Nassimah Dindar qui a eu le courage d’assumer le choix de ma nomination. Je ne la connaissais pas à l’époque, idem pour Madame Aude
Madame Aude Il se passe aussi quelque chose dans tes théâtres. Maintenant tout le monde est là, à l’accueil, le théâtre est ouvert à tout le monde, c’est ce qui me plaît
Pascal Montrouge  Je le dis toujours, quand tu invites des gens chez toi, ils ne se servent pas, tu les reçois. Je donne envie à mon équipe d’accueillir dans un beau cadre, de déguster tout ce qu’il y a  de bon dans le spectacle. C’est du savoir-vivre, et toute l’équipe du théâtre est animée par cette qualité. J’ai vraiment voulu faire rentrer l’air à l’intérieur des théâtres et cet appel d’air s’est fait... Je remercie d’ailleurs Aude d’apporter ses remarques et conseils, elle est parfois dure mais j’entends...

Travailles tu tes présentations de spectacle? Le petit mot que tu dis avant chaque représentation?
Madame Aude précise: Il fait toujours sa présentation en français et termine en créole. Ca touche tout le monde et les gens apprécient vraiment. Jamais il n’est habillé avec un nœud papillon mais toujours extrêmement élégant...
Rien n’est calculé. J’ai juste de la conviction et je mets tout mon être dans ce travail qui m’épuise. Pour mon petit mot rien n’est calculé. Je crase bien mon créole parfois, je dis ce que j’ai sur le cœur.

Pascal Montrouge, directeur général des Théâtres départementaux
Et ta carrière?
J’ai été premier prix de Nagoya au Japon, ainsi que le prix Vaslav Nijinski
Madame Aude C’est notre Noureev créole!

Comment alors es tu venu à la danse ?
Nous venons d’un milieu modeste. Ma Maman était institutrice. J’ai su que je voulais faire ce métier avant même d’en connaître le nom. J’avais 4 ans, et j’ai vu à la télévision un ballet, j’ai su que c’était ça. J’ai commencé très tardivement la danse, à 17 ans. Mes parents ont été extra, ils ont respecté mon choix de vie. Ensuite je suis parti à Paris à 21 ans, je n’étais jamais sorti de mon île avant! Au bout de 6 mois  j’ai été intégré dans une troupe, j’ai beaucoup bossé. J’étais plus que passionné et j’ai la chance d’avoir eu la capacité physique de pouvoir rattraper le temps perdu. Ma force me vient certainement de mes parents, de ma mère qui ne sait qu’aller de l’avant. Elle milite à la ligue contre le cancer, fait de l ‘accompagnement de fin de vie
 
Pourquoi aimez-vous Madame Aude?
Elle nous donne confiance en notre parole, de par son discours, son impertinence et son implication. Elle est généreuse en même temps. Elle donne envie d’ouvrir sa bouche et de faire quelque chose. C’est la seule personnalité hors du monde politique à avoir un poids dans ce qu’elle dit... Et puis elle met son savoir-faire au service d’une population. Je l’admire!
Madame Aude: Je ne suis pas une politique. Tu as senti dès le début qu’il fallait revaloriser La Réunion. Mon Amour c’est notre île et tu partages cet amour. Ce n’est pas toujours facile de la mettre en avant à 10 000 kms et tu sais très bien le faire!

Pascal Montrouge, directeur général des Théâtres départementaux