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Portraits Créoles

Maurice Cérisola: son leitmotiv, le courage!


Il vient d’une autre île, de la Guadeloupe plus précisément... Sa famille maternelle est ancrée aux Antilles, depuis Christophe Colomb, son grand-père maternel a même été maire de Pointe-à–Pitre. Sa mère le dit élevé «à la banane et au rhum», pas le choix quand les Anglais ont jadis fait le blocus de votre île! C’est avec son humour -lequel, du coup, a quelque chose de british- que Maurice Cerisola, catholique pratiquant assumé, dresse son portrait.
A 12 ans, il gagne avec sa famille la métropole, entre en Classe Prépa, il intégrera une école d’ingénieur à Toulouse. Il rencontre alors une Champenoise solaire, celle qui deviendra sa femme, Marie-Pascale. Le couple aura cinq enfants. Toute sa carrière s’effectuera dans le monde agro-alimentaire, et en 1993, ce fils de l’outre-mer ne pourra résister lorsque se présente une opportunité de venir travailler à La Réunion. Son épouse, admirable selon ses propres termes, le suit dans cette aventure qui leur fait poser leurs valises à l’Etang-Salé.
On connaît la suite et l’incroyable réussite de Crête d’Or. Son engagement associatif, de plus en plus prononcé, viendra ensuite. Maurice Cérisola prend la tête de l’ADIR (Association pour le Développement Industriel de La Réunion), qu’il pilotera pendant 10 ans. Ayant «accès aux manettes» comme il le dit si justement, il ne se voit pas rester indifférent à la jeunesse qui, même après avoir fait des études, n’arrive pas à trouver du travail.
Logiquement, il devient président de l’IAE (Institut d’Administration des Entreprises). La formation est toujours au cœur de ses préoccupations, visiteur de prison, il aide à la réinsertion professionnelle. En tant qu’homme des îles enfin, Maurice Cérisola tient à un autre de ses engagements, Le Cluster Maritime, une association fédérant les acteurs évoluant autour du potentiel de la mer dans notre île... Et pour se ressourcer, il part dans une île, une île magnifique de l’Océan Atlantique, située en Vendée, l’île d’Yeu...


- Publié le Lundi 31 Mars 2014 à 11:27

Maurice Cérisola  et son épouse Marie-Pascale
Maurice Cérisola et son épouse Marie-Pascale

Leur rencontre

Madame Aude: C’était à l’IHEDN (Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale). J’ai suivi la session de 1991, et Maurice celle de 1994. Nous avons tout de suite accroché, avec cet amour délirant que nous avons tous deux pour notre île. Son côté bénévolat m’a attirée, il fait un nombre invraisemblable de conférence de façon bénévole... Sa femme m’a aussi tout de suite plu.
Maurice Cérisola: J’ai tout de suite été pris par ce potentiel de développement que recèle La Réunion. Cette femme (ndlr: Madame Aude) qui faisait désordre ne pouvait que m’interpeller.

Les questions de Madame Aude

-Votre famille semble être très importante dans votre parcours?
Avec Marie-Pascale, nous sommes mariés depuis 48 ans... Nous avons cinq enfants, six petits-enfants Elle a tout lâché pour me suivre ici. Aujourd’hui nos enfants sont dans le monde entier... Notre règle du jeu dorénavant est que mon épouse fasse le lien et aille régulièrement rassembler toute la famille à l’île d’Yeu. 
 
-Comment prend-on racine ici?
Je suis venu car j’avais un boulot à faire. J’ai ensuite eu l’immense chance de croiser un Christian de la Giroday ou un Paul Martinel. De grands hommes bâtisseurs de La Réunion
Madame Aude: Et avec cette imbécilité de limite d’âge dans les conseils d’administration, Christian de la Giroday va devoir quitter la présidence du Crédit Agricole. La vie est beaucoup plus longue aujourd’hui, c’est ridicule à 65 ans!
 
-Vous ne m’en voulez pas pour l’histoire du poulet halal?
Madame Aude: Je dois expliquer à ceux qui n’ont pas connu l’épisode. A l ‘époque je recevais beaucoup d’appels à l’UCOR pour une histoire de poulet halal, on ne trouvait plus que cela dans les supermarchés, plus de poulets normaux! Vous connaissez ma réputation de bleu, blanc, rouge! Mon sang n’a fait qu’un tour. Pas question de nous obliger à consommer du halal... 
Je suis allée voir Maurice Cerisola, très classe. A l’époque j’étais présidente de SOS Animaux. Il m’a invité à l’usine de Crête d’Or où il y avait tous ces pauvres poulets. J’ai  appelé au boycott de la viande halal sur Freedom, il paraît que cela a marché du tonnerre, plus personne n’en achetait. Je le surnomme maintenant «mon gros poulet halal». En fait cette histoire épique nous a rapprochés.
Maurice Cérisola: Notre amitié demeure. Le poulet est la seule viande à convenir à toutes les religions et à valoriser les Hauts de notre île. Nous avons été invités, Monseigneur Aubry et moi–même, à une émission-débat sur Freedom, qui est restée dans les annales. Une heure sur le poulet halal, avec un Monseigneur Aubry très pédagogue... La conclusion a été que nous pouvions continuer à faire du halal pourvu que nous offrions au consommateur le choix du non halal.
Madame Aude: Je n’ai pas fini ce combat. Je viens d’écrire à Manuel Valls. Je suis choquée que l’on nous propose d’office de la viande halal sur la compagnie nationale. Air France, la compagnie française, doit nous laisser le choix! J’attends sa réponse…
 
-Petite parenthèse, racontez-moi encore votre invraisemblable accident à La Réunion...
C’était un week-end de Pentecôte, il y a 15 ans, nous partions en randonnée avec des amis. Nous étions au Nez de Bœuf, et j’avais la charge d’un énorme sac à dos contenant les bouteilles de vin, du whisky... Le sentier s’est effondré et j’ai fait une chute de plus de 15 mètres. Par miracle un arbre a arrêté ma chute. J’ai été hélitreuillé, j’avais la jambe cassée, en revanche aucune bouteille n’a connu le même sort!
 
-Quel serait votre message aux jeunes?
Il y a un trait saillant, les jeunes sont complexés, ils regardent de travers, comme apeurés. Je leur dis sans cesse d’être fiers de ce qu’ils sont. Le poids de l’histoire et de l’esclavage est terrible. Il faut voir comme les Antillais sont arrogants, et nous, en bon élèves de l’outre-mer, n’osons relever la tête et nous prendre en main.
Madame Aude: Ce qui vous heurte, c’est le fait que l’on stigmatise la jeunesse réunionnaise. Je le sais, je l’ai expérimenté, j’avais choisi d’être principale de collège au Port, et j’en suis très fière. Les enfants du Port ou du Chaudron sont montrés du doigt. Il est impératif de casser cette image.
Maurice Cérisola: Les chefs d’entreprise, comme les médias, ont un devoir envers ces jeunes. A eux, je  demande de répondre quand un jeune postule, même si c’est négatif. Certains chefs d’entreprise ont des idées extraordinaires. Nous sommes actuellement dans une phase de choc de simplification. Demeure le problème de ceux qui ne veulent pas bosser!
Madame Aude: Sans faire de l’angélisme, je suis effarée dans cette campagne municipale qu’aucun candidat n’ait le courage de dire ce que  l’on vient de dire. On manque de gens courageux! J’ai eu un petit espoir, en voyant l’autre jour des femmes qui faisaient de l’entretien de bord de route, certains retroussent leurs manches, des femmes...
Maurice Cérisola: Cette notion de COURAGE est primordiale, celle de dire les choses. Les gens demandent des mandats. Mon père disait «il n’y a pas de sots métiers, il n’y a que de sottes gents». Ma plus grande force a été d’avoir été éboueur pour payer mes études, j’ai aussi été veilleur de nuit. Je sais ce que veut dire retrousser ses manches, la pénibilité de certains travaux.
Madame Aude: Il faut revoir ce système d’aides où tout est dû. Il faut restaurer les valeurs du travail. Du boulot il y en a, pour nettoyer les bois, la Route des Tamarins ou que sais-je... Maurice est ainsi, il ne va pas baisser les bras. Vous avez ce côté pessimiste, mais vous avez l’espoir que cela ira mieux dans notre territoire qui a un tel potentiel... Comme moi...
Maurice Cérisola: Oui, je crois en cette notion d’exemplarité... Le fameux «Qu’as-tu fais de tes talents?» de la Bible. Lorsque vous êtes dans l’enseignement supérieur, vous êtes privilégié et vous avez des devoirs... 

Pourquoi aimez-vous Madame Aude?

Parce qu’elle est un produit péi, nature... 


Maurice Cérisola et Madame Aude
Maurice Cérisola et Madame Aude

Abdéali Goulamaly, président du groupe Océanide, Paul Vergès, alors président de La Région Réunion, et Maurice Cérisola
Abdéali Goulamaly, président du groupe Océanide, Paul Vergès, alors président de La Région Réunion, et Maurice Cérisola