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Daniel Vaxelaire, le raconteur d’histoire


Il était une fois Daniel Vaxelaire... Etudiant, il a sillonné l’Europe d’Istanbul, à Athènes, de Damas à Tripoli...
Le jeune Daniel tient un carnet de voyage qu’il propose à un journal, et si sa prose n’est pas alors retenue, il se voit cependant proposer un job à temps partiel... Le service militaire étant encore à l’ordre du jour, cet aventurier dans l’âme se résigne à y aller, la mort dans l’âme, et opte pour une destination lointaine, voulant y rester le moins longtemps possible... Ce sera La Réunion...
Notre île est, à cette époque, «un vrai désert en matière de presse», dixit l’écrivain . Le contexte est particulier: le journal Témoignages, alors au temps de la splendeur communiste à La Réunion, affronte seul un JIR très ancré à droite sous l’ère Debré. Le jeune Vaxelaire fait ses armes au JIR, après ses heures de caserne, puis rencontre un jeune entrepreneur, un certain Maximin Chane Ki Chune qui l’embarque dans l’aventure du Quotidien.
Le journal connaîtra par la suite la crise que l’on sait, le rédacteur en chef adjoint qu’est alors Vax décide d’être, selon ses propres termes, «naufragé volontaire». Le journal sera sauvé... Le hasard faisant bien les choses, Daniel Vaxelaire accepte de rédiger une encyclopédie historique, Le Mémorial de La Réunion, en tant que rédacteur en chef, un travail historique de sept volumes, 3 500 pages.
Il entre ainsi dans le monde des livres, et se voit chargé de la rédaction d’une autre encyclopédie, un projet pharaonique, 12 volumes, au Maroc cette fois, une épopée qui durera trois ans... De retour dans l’île, Vax dirigera pendant quelques années la rédaction de Télé 7 Jours Réunion (un hebdo dans lequel a débuté un certain Aziz Patel), mais il y aurait beaucoup trop à raconter.
En filigrane de toute cette aventure, intimement liée au monde de la presse réunionnaise, il y a aussi une certaine Patricia... Madame Aude se régale à interviewer «son» Vaxelaire...


- Publié le Mardi 11 Février 2014 à 06:00

Leur rencontre

Madame Aude: Ce devait être en 1979... J’avais perdu mon père depuis quelques mois. Vaxelaire a voulu m’interviewer, il était intéressé par un certain angle. J’ai toujours été à la recherche des disparus, n’acceptant pas la perte de quelqu’un. Je ne sais comment il avait eu vent de cela... Il m’a sollicitée. En fait, j’aime les endroits où les gens reposent, et particulièrement le cimetière marin de Saint-Paul. J’ai besoin de ça. Daniel dans son article a remarquablement su rendre ce ressenti si particulier... Par la suite, j’ai fait la connaissance de Patricia (ndlr: l’épouse de Daniel)
Daniel Vaxelaire: Je dois avouer que  je ne me souviens plus de l’article en particulier. En revanche, je me souviens que nous avions invité Madame Aude à dîner. Nous avons tout de suite sympathisé, ce côté infiniment généreux m’a plu. Et puis Aude s’est tout de suite très bien entendu avec Patricia... 
Madame Aude: Un dîner marocain succulent... Je n’oublie pas! Depuis, nous sommes très proches, une vraie amitié. Les Vaxelaire forment un couple incroyable, ils sont en parfaite osmose. Un seul regard entre eux suffit, ils communiquent sans parler, et ça dure... La réussite de Daniel est aussi celle de Patricia. L’un est plutôt discret, l’autre c’est la joie de vivre. Comme moi, Patricia est une fille des îles (ndlr: de l’île Maurice), très ouverte, mais qui sait se protéger, et comme moi, elle aime le champagne! Nous avons toujours gardé contact, même lorsqu’ils étaient au Maroc.
Daniel Vaxelaire: Si je n’avais pas rencontré ma femme, je serais aujourd’hui soit un divorcé grincheux, soit un handicapé du bonheur. J’ai flashé tout de suite sur cette jolie fille. Un petit bout de mer nous séparait, elle était à Maurice. Nos échanges épistolaires, très soutenus m’ont conforté dans l’idée que j’avais découvert une femme intelligente, cultivée et avec beaucoup d’humour.

Daniel et Patricia Vaxelaire
Daniel et Patricia Vaxelaire
Les questions de Madame Aude

Pourquoi as-tu choisi de rester à La Réunion?
Après mon service militaire, j’avais le choix de rentrer à Epinal (ndlr: petite commune des Vosges), ou rester. Tout était à faire dans le monde de la presse, c’était un véritable désert médiatique.
J’avais envie de parler de ce que je voyais, j’ai été l’un des premiers à faire des papiers concernant les marches sur le feu... Je voulais comprendre. Lorsque l’on m’a proposé de rédiger Le Mémorial, j’ai voulu comprendre pourquoi La Réunion était La Réunion. J’avais une réelle curiosité pour ce pays si particulier.
Madame Aude: C’était l ‘époque où Debré commençait à faire connaître La Réunion. Il y avait des tabous comme la contraception, on ne parlait uniquement que des catholiques et de la droite.
Daniel Vaxelaire: Il y avait un véritable terrain vague où un jeune journaliste un peu rebelle pouvait faire quelque chose. J’avais envie de dire les choses…
Madame Aude: Une autre caractéristique des Vaxelaire, tous deux, c’est de ne s’obliger à rien. C’est un choix assez rare.
 
Comment es-tu passé de la rédaction de journaux à celle de livres?
C’est né d’un sentiment de frustration. Je m’étais réservé la partie peuplement dans Le Mémorial, étant particulièrement intéressé par l’esclavage et le marronnage... Mais je n’avais que 18 pages pour mes marrons. Lorsque j’ai fini Le Mémorial, j’avais autre chose à raconter. J’ai voulu faire un livre historique, un récit. Je pensais écrire la vie de François Mussard, l’un des premiers chasseurs de marrons. Mais j’avais énormément de trous dans mes recherches, et trop de questions en suspens. 
Et puis, cela aurait été faire payer tous les Mussard d’aujourd’hui. Je me suis donc attelé à du romanesque, «Chasseurs de Noirs» (ndlr: sorti en 1982), tapé à la machine , à deux doigts! J’ai été invité à La Sorbonne pour une conférence sur l’esclavage, un comble pour moi qui n’étais pas très bon en histoire, me retrouver devant toutes ses sommités. J’ai eu des papiers considérables. Le roman s’est bien vendu, même si je ne suis pas allé à Paris assurer la partie show business...
 
L’esclavage est au cœur de tous tes livres?
Ma nature me pousse dans le même sens, je ne suis pas dans le système. J’écris ce qui m’intéresse, et il est vrai que cette période de l’histoire réunionnaise se devait d’être racontée. J’ai écrit deux romans sur l’esclavage, puis un troisième pour la jeunesse. Ensuite j’ai eu envie de raconter autre chose... Un roman qui fonctionne comme un escargot sur l’Europe, un thriller où tout s’enchaîne de plus en plus vite. 
Madame Aude: ll faut parler ici de Jean Daubigny... (ndlr: Préfet de La Réunion de 1998 à 2001). C’est un préfet que j’ai beaucoup apprécié, j’ai adoré travailler avec lui, il a marqué notre île. A son départ, tu m’as écrit un micro roman, deux exemplaires, l’un remis à Jean Daubigny, et l’autre pour moi. Je sui tellement fière de cela, tu as même fait une belle couverture. C’est mon trésor, je ne le prête à personne et il est au coffre! Je ne veux que personne ne s’approche de ce bouquin mais que tout le monde sache que je l’aie.


Pourquoi aimez-vous Madame Aude?
 
Dès le départ, j’ai vu son immense générosité et cette lucidité lorsqu’elle remet les gens à leur place. C’est bien, c’est ça la vraie éducation! Aude est une grande éducatrice, et c’est devenu un monument. On n’y arrive pas par hasard. Je n’ai jamais vu un politique être l’objet d’une telle envie d’être approché, tout le monde a envie de lui rendre une partie de ce qu’elle donne. C’est un grand cadeau pour La Réunion. C’est une leçon de vie. On ne s’enrichit pas en essayant de cumuler, mais dans l’affection des autres. Dans une autre époque, on l’aurait élevée à la sainteté!
Madame Aude: Enorme éclat de rire!